Les constituants de la feuille de thé sèche. |
Comme il a été mentionné dans le précédent numéro, tous les végétaux sont formés de cellules constituées par un ensemble de substances qui se classent en deux grandes catégories de constituants : les constituants minéraux et les constituants organiques. À la différence des constituants minéraux, les constituants organiques sont souvent dégradables. Ces transformations peuvent être abiotiques (oxydation, réduction, hydrolyse, photo-réaction) ou biotiques (champignons, bactéries provoquant des fermentations..). L'ensemble de ces transformations est souvent complexe aussi nous ne développerons pas cet aspect. Ces transformations peuvent altérer le produit ou au contraire le bonifier ou le modifier. Cette partie traitera donc des conséquences des différents traitements de la feuille fraîche qui aboutissent à la feuille sèche, prête à être infusée.
Rappel des étapes du traitement de la feuille après récolte
Les feuilles une fois cueillies doivent être traitées dans les plus brefs délais pour éviter qu'elles se détériorent. Ces opérations sont essentielles car ce sont elles qui seront responsables des qualités organoleptiques des différents thés. Dans tous ces traitements le rôle de la chaleur et de l'humidité est essentiel pour obtenir le produit final désiré.
Le flétrissage (withering)
Cette opération est destinée à flétrir la feuille, c'est à dire à lui faire perdre par évaporation la teneur en eau qui lui donne sa rigidité et sa fermeté, la feuille pourra alors subir sans être brisée l'opération de roulage. Diverses méthodes peuvent être utilisées pour le flétrissage. Durant cette opération les feuilles peuvent perdre entre 25 à 50% de leur poids On admet qu'une feuille dont la teneur en eau est réduite d’un quart voire de moitié peut être roulée dans des conditions convenables. (1)
Le roulage (rolling) Le roulage a pour objectif de briser les membranes intérieures de la feuille qui libéreront des enzymes et des huiles essentielles qui entrent ainsi en contact avec les éléments oxydables, permettant ainsi un meilleur développement des flaveurs et qualités aromatiques du thé.(1) |
On emploie souvent le terme traditionnel de « fermentation », mais scientifiquement il s'agit bien d'une oxydation.
Les modifications chimiques provoquées dans la feuille par l’oxydation sont importantes. Dans ce processus la chlorophylle est détruite par les enzymes et les tanins (polyphenols) sont rélargués ou transformés. Cela se traduit par la transformation des catéchines en d’autres composés appelés théaflavines et théarubigines. Pour être plus précis l'oxydation des polyphenols sous les actions enzymatiques (polyphenol oxydases and peroxidases) conduit à la production de théaflavines. Ces composés rouge orangé réagissent avec des polyphenols pour produire les théarubigines (transformation de la couleur de la feuille du doré au cuivre et chocolat). Les théarubigines régissent avec des acides aminés et des sucres en créant des substances complexes (polymères) responsables des arômes et des différents goûts.(2)
L'oxydation est un des phénomènes des plus importantes dans l'élaboration du goût et des composés aromatiques. Cette opération donne au thé sa couleur, sa force et son arôme. Une oxydation trop courte laisse une feuille verte et donne à l'infusion un goût de fruit pas mur une oxydation trop prolongée donne à la feuille une couleur morte ou même détruit l'arôme. Pour arrêter l'oxydation les feuilles sont conduites aux appareils de dessiccation.(1) |
Cette opération a pour but essentiel d'arrêter l’oxydation et de mettre un terme aux transformations que la feuille de thé n'a cessé de subir depuis sa récolte. Cette opération est obtenue en chauffant les feuilles ce qui inhibe les enzymes responsables de l'oxydation et évacue les odeurs indésirables tout en conservant les flaveurs du thé. A la sortie des appareils les feuilles ont une teneur en eau de l'ordre de 2-3% mais après refroidissement et tri cette teneur peut remonter à 4-5%. La dessiccation doit être conduite avec grand soin, car une température trop élevée rend la feuille cassante et augmente la proportion de substances insolubles qui ne passeront pas dans l'infusion, alors qu’une dessiccation insuffisante risque de provoquer des moisissures. (1)
NB : notons que la présence de certains composants comme la théanine et la théine/caféine n’est pas altérée par ces étapes de traitement. Dans une étude récente publiée par le Professeur U.Engelhardt de l’Université de Brunswick (DE) pour le compte du Comité Allemand du Thé il indique comme résultats d’analyse une série de teneurs comparatives pour les thés verts et les thés blancs, exprimés en teneur moyenne en% du poids de la feuille sèche (valeur arrondie),
texte traduit par nos soins :
Thé vert | Thé blanc | |
Total Polyphénols | 19 | 21,5 |
Total Cathechines | 13 | 14 |
Caféine | 3 | 5 |
EGGG* (Epigallocatechingallat) | 7 | 8 |
Flavonolglycosides | 1 | 5 |
Théanine | 2 | 1 à 2 |
C’est en Chine que l’on classe les thés en six familles : les thés blancs, jaunes verts, Oolong, sombres **et noirs. Ils ne proviennent pas de différentes espèces de théiers, comme on l'a longtemps cru en Occident, mais sont le résultat de procédés différents de traitement des feuilles récoltées en particulier lors des phases d'oxydation-fermentation et de dessiccation. Les noms se réfèrent à la couleur de l'infusion et non à la couleur de la feuille ; cette couleur de la tasse révèle en fait le taux d'oxydation des feuilles. 1. Les thés blancs : Ce sont des thés très délicats qui, eux, ne subissent qu'une légère oxydation naturelle. Les feuilles et les bourgeons sont généralement présentés entières, elles sont séchées à l'air libre. |
3. Les thés verts : leurs feuilles, après la cueillette, seront le plus souvent flétries et chauffées à haute température, afin de neutraliser les enzymes responsables de l'oxydation. Elles seront ensuite roulées et séchées plusieurs fois afin de leur donner des formes particulières. La composition du thé vert est très voisine de la feuille fraiche soit des taux élevés de polyphénols et de cathéchines. Les cathéchines sont responsables de l'astringence et de l'amertume.
4. Les thés semi-fermentés : En Chine ces thés sont regroupés sous le vocable thé vert-bleu, qing cha ou alors thés Oolong. Ils ont subi une oxydation partielle et contrôlée entre 15 et 70%. La composition des thés Olong est intermédiaire entre les thés verts et les thés noirs (3).
5. Les thés noirs : Leurs feuilles ont subi une oxydation totale transformant la majeure partie des catéchines en tanins complexes. Les théarubigines constituent la plus grande partie de la matière extractible mais leur composition n'est pas encore bien connue. Les catéchines quinones initient la formation de nombreux (plus de cent!) composés volatils, que l’on retrouve en tant que fractions aromatiques(3).
** les thés sombres, dont le plus connus sont les thés Pu’er sont des thés post fermentés ; nous
en parlerons plus en détail dans le prochain numéro.
Si vous voulez en savoir plus
1. Runner J. 1974- Le thé. Collection que sais-je? Presses universitaires de France. 126p.
2. Heiss M.L.& Robert J - 2007- Story of the tea ; a cultural history and drinking guide, Ten speed press.
3. Graham, Harold N. -1992-, "Green Tea Composition, Consumption, and Polyphenol Chemistry", PREVENTIVE MEDICINE 21: 334–350.
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